La demande de mise en liberté fondée sur l’état de santé


L’article 148 du code de procédure pénale prévoit qu’en toute matière, la personne placée en
détention provisoire ou son avocat peut, à tout moment, demander sa mise en liberté.
Une telle demande vise le plus souvent à démontrer que la détention provisoire n’est pas ou n’est plus l’unique moyen de parvenir à l'un ou plusieurs des objectifs listés par l’article 144 du même code.
Ces objectifs sont la conservation des preuves et indices, le risque pression sur les témoins ou victimes, le risque de concertation avec les coauteurs ou complices, la protection du mis en examen, le maintien à disposition de la justice, le risque renouvellement de l’infraction ou encore le trouble grave exceptionnel à l’ordre public.
Toutefois, l’article 147-1 du code de procédure pénale permet également de fonder une demande de mise en liberté sur l’état de santé du détenu provisoire.

Les conditions de la demande fondée sur l’état de santé

En vertu de l’article 147 du code de procédure pénale, la mise en liberté d'une personne placée en
détention provisoire peut être ordonnée lorsqu'une expertise médicale établit que cette personne
est atteinte d'une pathologie engageant le pronostic vital ou que son état de santé physique ou mentale est incompatible avec le maintien en détention.
Autrement dit, dans ce cadre, la demande doit démontrer l’existence, chez le détenu provisoire, soit d’une pathologie engageant le pronostic vital soit d’un état de santé incompatible avec le maintien en détention.
Cette démonstration doit en principe se faire à l’appui d’une expertise médicale.
Seule l’urgence peut justifier que la mise en liberté soit ordonnée pour ces raisons au vu d'un simple
certificat médical établi par le médecin responsable de la structure sanitaire dans laquelle cette
personne est prise en charge ou par le remplaçant de ce médecin.

En tout état de cause, la mise en liberté pourra ne pas être accordée s'il existe un risque grave de renouvellement de l'infraction ; il s’agit d’une apparition, au sein de l’article 147 du code de
procédure pénale, d’un des critères de l’article 144.

La décision de mise en liberté peut être assortie d'un placement sous contrôle judiciaire ou d'une
assignation à résidence avec surveillance électronique.

La jurisprudence de la Cour de cassation établit qu’encourt la censure l'arrêt qui confirme une
ordonnance de placement en détention provisoire sans répondre au mémoire dans lequel la personne mise en examen faisait valoir que son état de santé était incompatible avec une mesure
de détention provisoire” (Crim. 2 sept. 2009, no 09-84.172), ou celui qui omet de répondre aux
conclusions par lesquelles l’appelant faisait valoir que ses conditions de détention étaient susceptibles de mettre sa santé en danger (maladie de Crohn) et constituaient ainsi un traitement
inhumain ou dégradant (Crim. 28 sept. 2016, n°16-84.384).

L’invocation du droit européen au soutien de la demande

L’article 2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés
fondamentales protège le droit à la vie, et l’article 3 de ladite Convention interdit la torture et les
traitements inhumains ou dégradants.

En lien avec la question des droits des détenus en matière de santé, la jurisprudence de la Cour
européenne des droits de l’Homme est fournie, au sujet surtout de cet article 3.

En effet, la Cour établit un lien direct entre le maintien en détention d’une personne qui se trouve
dans un état de santé incompatible avec la détention et la violation par l’État de ses obligations au
titre de l’article 3.
Un tel maintien en détention est régulièrement considéré par la Cour comme constitutif de traitements inhumains ou dégradants.

Dans un arrêt Mouisel c. France, 14 novembre 2002, par exemple, la Cour a conclu à la violation de
l’article 3 en considérant qu'alors même que l’état de santé du détenu devenait de plus en plus
inconciliable avec la détention au-fur-et-à-mesure que sa pathologie se développait, les autorités
carcérales n’avaient pris aucune mesure spéciale.

En plus de fonder la demande de mise en liberté sur les dispositions du code de procédure pénale,
il est donc possible d’invoquer le droit européen des droits de l’Homme au soutien de la demande.

Le Cabinet STRADA est à votre disposition pour tout conseil ou accompagnement, en droit pénal notamment.

E.D.

 


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