Internet, réseaux sociaux, blogs, forums de discussion : libération de la parole n’est pas synonyme d'impunité.
L’expression sur Internet connaît les mêmes limites pénales que l’expression dite “classique”, et tout abus de cette expression peut constituer un délit de presse, notamment une diffamation.
La caractérisation de l’infraction de diffamation
La loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse fixe les limites pénales de la liberté d’expression en
prévoyant différents “délits de presse”, au rang desquels figure la diffamation.
La diffamation est définie par l’article 29 de cette loi comme “toute allégation ou imputation d'un fait qui porte atteinte à l'honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé”.
Il est important de bien faire la distinction avec l’injure, définie par le même texte, comme “toute expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne renferme l'imputation d'aucun fait”, en opposition à la diffamation.
Pour caractériser une diffamation, le fait allégué ou imputé doit être suffisamment précis pour pouvoir faire l’objet d’une vérification.
L'allégation ou l’imputation du fait doit viser une personne déterminée et porter atteinte à l’honneur ou à la considération de cette dernière. À cet égard, cette atteinte à l’honneur ou à la considération ne s'apprécie pas en fonction des conceptions personnelles de cette dernière mais en fonction de standards objectifs.
L’auteur des propos doit être de mauvaise foi.
Pour entrer dans le champ d’application de l’article 29 de la loi du 29 juillet 1881 à proprement parler,
l’expression doit être publique, et cela pose la question de la publicité des propos tenus sur Internet.
La publicité des propos tenus sur Internet
Au moment de cataloguer les divers moyens d’expression publique, l'article 23 de la loi du 29 juillet 1881 évoque notamment “tout moyen de communication au public par voie électronique”.
L’expression publique est celle qui peut être entendue ou lue par un public étranger à l'auteur des faits, sa victime et un cercle restreint d'individus liés à ces derniers.
C’est le cas de propos tenus dans la rue, lors d’un discours ou dans un journal comme c’est le cas de propos tenus sur un site internet.
Les propos tenus sur un réseau social sont considérés comme publics si, au vu du verrouillage choisi par le détenteur du compte, ils sont accessibles à tout internaute ou à un cercle important de personnes.
Au contraire, si les propos ont été diffusés sur un compte accessible uniquement à un nombre restreint d'amis sélectionnés par l'auteur des propos, il s'agit d'une diffamation non publique.
Le caractère public ou non de la diffamation a une importance notamment du point de vue répressif puisque la diffamation non publique, prévue par l’article R. 621-1 du code pénal, n’est sanctionnée que de l’amende prévue pour les contraventions de la première classe, soit 38 euros au plus.
Plus prosaïquement, la tenue des propos sur Internet légitime le recours à la plainte pénale (une enquête permet d'établir plus facilement l'origine et l'auteur des propos et la date de leur diffusion) et le recours au constat d’huissier (pour se ménager la preuve des propos tenus sur Internet, qui risquent de disparaître).
Les moyens de défense opposables par l’auteur
La personne poursuivie pour diffamation peut utiliser deux moyens de défense : l'exception de vérité, l’excuse de provocation et la bonne foi.
L’exception de vérité, prévue par l’article 35 de la loi du 29 juillet 1881, consiste à se défendre en proposant de prouver l'authenticité des faits allégués ou imputés. mis en cause.
La preuve de la vérité des faits peut être faite par tout moyen mais elle doit être totale, parfaite, complète et liée aux imputations diffamatoires dans toute leur portée.
La vérité des faits diffamatoires peut toujours être prouvée, sauf lorsque l'imputation concerne la vie privée de la personne, se réfère à des faits qui remontent à plus de dix années ou à un fait constituant une infraction amnistiée ou prescrite, ou qui a donné lieu à une réhabilitation ou une révision.
La bonne foi renvoie à un état d’esprit et se caractérise par le cumul de plusieurs critères : la prudence et la mesure dans l'expression, l'absence de conflit avec la personne attaquée, l’existence d'un but légitime (ex : informer), l’existence de recherches et investigations sérieuses (qui excluent le mensonge ou la négligence).
Le Cabinet NEFATI est à votre disposition pour tout conseil ou accompagnement, en droit pénal de la presse et des médias notamment.
E.D.